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La polarisation politique et sécuritaire en RDC

Alors que le regard du monde se fixe sur Gaza et l’Ukraine, une ombre ancienne continue de s’étendre, inexorable, sur l’Est de la RDC. Là, dans cette région où le sol semble avoir absorbé les cris d’une douleur sans fin, une guerre sourde entre dans sa quatrième décennie, menaçant de se transformer en une conflagration régionale.

Le fracas des armes se mêle au silence des morts, tandis que plus d’une centaine de groupes armés, soutenus et entretenus par les politiciens et les militaires hauts gradés, comme des esprits tourmentés, errent dans ces terres déchirées, laissant derrière eux des traces de sang et de larmes.

Depuis 2021, une sombre renaissance a vu émerger un spectre du passé : le Mouvement du 23 mars. Dans cette danse macabre, des sociétés de sécurité privées et des États voisins se joignent à la chorégraphie funeste. Deux fronts se dessinent, clairs et implacables : l’un sous la bannière du gouvernement congolais, l’autre sous celle du M23. Chaque jour, le ciel semble s’assombrir davantage, et la paix, telle une étoile lointaine, s’éloigne de plus en plus.

C’est en 1990 que ce cauchemar a pris racine, lorsque le Zaïre, ce géant aux pieds d’argile qui précéda la RDC, perdit la main sur les forces obscures qu’il avait lui-même libérées. D’abord la nationalité douteuse des banyarwanda puis leur persécution a grande échelle.

Mobutu, allié des puissances occidentales, régnait tel un roi crépusculaire, nourrissant des tensions ethniques profondes. Le terreau en était fertile : migrations forcées, frontières tracées à la hâte, pogroms ethniques, autant de plaies laissées par l’époque coloniale.

En 1994, le génocide contre les tutsi ouvrit les portes de l’enfer, précipitant des millions de hutu, bourreaux des tutsi, vers le Zaïre. Ouvrant des camps d’entrainements pour ex Far et interahamwe a la lisière de la frontière rwandaise. Lesquels revenaient « finir le travail ».

Le Front Patriotique Rwandais, en quête de sécurité, les poursuivit jusqu’au Nord-Kivu, et le feu du conflit embrasa l’Est du Zaïre.

Entre 1996 et 2003, deux guerres cruelles se déroulèrent sous les yeux d’une communauté internationale hantée par le cauchemar  du génocide contre les tutsi, mais trop absorbée par d’autres conflits pour intervenir.

En 1996-1997, la « guerre de Libération » vit Laurent-Désiré Kabila, insurgé chevronné, renverser Mobutu avec l’aide du Rwanda et de l’Ouganda. Mais la paix était un mirage : en 1998, la « Deuxième Guerre du Congo » éclata, emportant Kabila dans un tourbillon de trahisons et de nouveaux soulèvements. Les FDLR, ces forces génocidaires rwandaises, s’allièrent avec Kabila et l’Afrique entière se retrouva déchirée par le conflit.

Joseph Kabila succéda à son père après son assassinat en 2001, et trois ans plus tard, la paix, fragile et incertaine, fut signée. Mais le spectre de la guerre ne s’éloigna jamais vraiment. En 2005, le général Laurent Nkunda se dressa contre Kinshasa, menant une nouvelle rébellion. Une fois encore, un accord fut trouvé entre la RDC et le CNDP, mais ce pacte, comme tant d’autres, fut de courte durée.

Les années 2010 furent marquées par des désillusions. En 2011, Joseph Kabila fut réélu lors d’élections contestées, et le M23, formé par des officiers congolais d’expression kinyarwanda, émergea des cendres de la précédente rébellion.

En 2012, ce groupe conquit brièvement Goma avant d’être repoussé en exil. Les années suivantes furent marquées par une multiplication des groupes armés, chacun apportant son lot de souffrance, mais restant en marge des préoccupations nationales et internationales.

L’espoir naquit cependant en 2018, lors des premières élections pacifiques de l’histoire post-indépendance du Congo. Félix Tshisekedi, fils d’un opposant historique, prit les rênes du pays par la grâce de Joseph Kabila.

L’espoir d’un renouveau démocratique illumina brièvement l’horizon. Mais cet espoir s’éteignit rapidement, englouti par les ombres persistantes de la violence et de la mauvaise gouvernance.

Tshisekedi chercha à apaiser les relations avec le Rwanda, marquant un temps de détente par des gestes symboliques. Mais cette trêve ne fut que de courte durée, éclipsée par les tensions grandissantes avec le Burundi et l’Ouganda. Des accords militaires furent signés, mais la suspicion subsistait, envenimant les relations entre les nations.

Invité à Kinshasa par le gouvernement congolais, sous les auspices de Gilbert Kankonde, ministre de l’intérieur de Tshisekedi, le M23, balloté par les atermoiements du pouvoir repris les armes pour porter ses revendications sur la place publique.

Et les combats s’intensifièrent, transformant les collines et les vallées en champs de bataille. La RDC, fidèle à ses méthodes, s’appuya sur les FDLR, les mercenaires et d’autres groupes armés, intensifiant la spirale de la violence.

La rupture des liens informels entre Kigali et Kinshasa en 2021 raviva les braises du conflit.

Là où jadis les voix modérées pouvaient encore se faire entendre, la polarisation est désormais totale. Chaque camp est enfermé dans ses certitudes, dénonçant l’autre comme l’ennemi ultime. L’espace pour un discours impartial se réduit, étouffé par les cris des propagandistes, des trolls, et des manipulateurs d’opinion payés très chers par Kinshasa.

Les racines du conflit restent profondément ancrées dans l’histoire tragique de la région, nourries par les cicatrices du colonialisme et les stratégies destructrices du passé.

Les conflits locaux pour la terre et les ressources, l’instrumentalisation des identités, l’exclusion des tutsi congolais de la citoyenneté, aggravés par la convoitise des entreprises minières étrangères, se mêlent aux luttes pour le pouvoir, créant un enchevêtrement inextricable de violence.

Les massacres à grande échelle, le déplacement massif des populations et l’exil a bouleversé le tissu social, forçant des milliers de personnes dans les mines illégales et les groupes armés, transformant l’économie locale en un cercle vicieux de militarisation.

Les interventions internationales, loin d’apporter la paix, ont souvent aggravé la situation. Les missions de maintien de la paix se sont révélées impuissantes, coincées entre les accusations de complicité et l’incapacité à contenir la violence.

Les tentatives de médiation, qu’elles soient africaines ou internationales, se sont enlisées dans les querelles et les malentendus, laissant peu de place à l’espoir d’une résolution pacifique.

Dans ce contexte désespéré, les voix qui tentent de trouver un équilibre sont accusées d’équivalence morale. Les traumatismes du passé, le génocide contre les tutsi, l’alliance avec les FDLR pour les uns, les agressions rwandaises pour les autres, continuent de hanter les esprits, rendant toute tentative de dialogue presque impossible.

Aujourd’hui, le Nord-Kivu est plus isolé que jamais, et Goma est coupée du reste du pays. L’AFC/ M23 renforce son emprise, tandis que l’armée congolaise lutte désespérément pour reprendre le contrôle. Les efforts diplomatiques sont au point mort, chaque camp restant enfermé dans ses exigences maximales.

Dans cette atmosphère chargée de tension, le spectre des années 1990 semble à nouveau rôder, menaçant d’entraîner la région dans une nouvelle ère de chaos et de souffrance.

Ainsi, l’Est de la RDC continue de pleurer ses morts, tandis que les puissants du monde détournent leur regard, absorbés par d’autres tragédies. Le cycle de la violence semble inébranlable, et la paix, une fois encore, se retire à l’horizon, telle une mirage dans le désert brûlant de l’histoire.

Les fausses solutions de Tshisekedi

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